S’il y a un sujet qui me passionne, c’est bien la créativité ! Pour en parler, j’ai décidé d’aller à la rencontre de personnes pour qui la créativité fait partie de leur quotidien. Chaque mois, je vais leur poser 5 questions pour qu’elles puissent vous partager leur processus créatif et leurs tips. Pour inaugurer ce cycle “Parlez-moi de créativité”, Régis Rodriguez – auteur, comédien, professeur & … – a accepté de se prêter au jeu.
Régis, peux-tu te présenter ?
Euh, ce fut un peu chaotique… Maths Sup, Maths Spé à Marseille où je suis né il y a 53 ans. Ensuite, j’ai intégré l’École d’ingénieurs à Caen (où je découvre le théâtre en 1991) et devient ingénieur en Intelligence Artificielle en 1992. Pas longtemps : je préférais le relationnel que j’avais abordé lors de mon DESS de management obtenu à l’IAE de Caen en 1993. Plus tard, je deviens ingénieur commercial à Paris & Lyon. Je termine cette “première vie” en 2002 comme directeur d’agence commerciale dans une société de services de 350 personnes parisienne.
Le Cours Florent, à 30 ans, en 2000-2002, a tout changé. En même temps, je découvrais aussi le bonheur de la scène en chantant sur la première tournée des “Fatals Picards” (je fais tous les chœurs “féminins” et 3 chansons en “lead” sur leur premier album).
De retour à Lyon, j’écris et joue mon premier spectacle “Drôle d’Enterrement !” : le public me demande si je ne donnerai pas des cours de théâtre. Je réponds que j’y avais pensé… et Scène Envie naît en 2004 ! Depuis plus de 18 ans, la passion de transmettre ce que m’a appris Jérôme Dupleix, mon premier prof du Cours Florent, m’anime et me transcende.
Et le bonheur d’écrire des pièces de théâtre “sur mesure”, pour les groupes de Scène Envie, s’amplifie d’année en année. Cet état d’écriture “multi-schizophrénique” fait partie des moments de bonheur absolu de ma vie.
C’est un état un peu différent de celui qui permet d’écrire des chansons, une autre de mes activités, qui m’a amené à travailler depuis 25 ans avec Thierry Pastor notamment, mais surtout, à commettre ma seule chanson “connue” du grand public : “Au Juste Milieu”, de Chimène Badi sur l’album Le Miroir (2006), et l’Olympia dans la foulée… un autre moment magique !
Comment définis-tu la “créativité” ?
Difficile de répondre simplement. Je dirais que c’est d’abord :
- la curiosité permanente de ce qui nous entoure, des choses, des gens, des histoires
- une façon de laisser son cerveau diverger à partir de choses plus ou moins insignifiantes
- le plaisir d’imaginer une œuvre qui susciterait des émotions, quelles qu’elles soient (rires, larmes, étonnement…)
Il y a plusieurs phases dans le processus de la créativité, plus ou moins jubilatoires :
- l’idée d’origine est une lueur qui ne quitte pas son auteur… À partir de cette idée, il y a toute une phase où, dans le cas de l’écriture dramaturgique, je m’interdis d’écrire tant que je ne connais pas parfaitement les personnages, ce qu’ils ont vécu et leur façon de penser. Il s’agit donc d’abord de créer le background de chacun, en parallèle avec la création du plan.
- ensuite, c’est un aller-retour incessant entre le plan et les “CV” des personnages.
Dans le cas d’une chanson, le processus n’est pas tout à fait le même. Il peut m’arriver d’écrire sans préparer quoi que ce soit et réfléchir ensuite à ce qui peut être la trame de la chanson.
La première ébauche – ou premier jet, que ce soit une pièce ou une chanson – reste une succession d’instants suspendus et vertigineux où il faut accepter d’être parfois – ou souvent – surpris par des idées inattendues ou imprévues, et les laisser vivre en tant que partie intégrante du lâcher-prise favorisant la création, mélange de spontanéité et d’acceptation de ne pas tout contrôler…
Mais il faut aussi, après une période de recul, procéder à des retouches, des équilibrages, toutes sortes de réglages qui s’éloignent de la ferveur créative, mais qui sont nécessaires afin que la lueur originelle ne reste pas un “délire personnel”, mais un véritable objet que l’on livre au public comme l’aboutissement d’une véritable vision, et non d’une simple pulsion.
Pour moi, la “vision” d’une œuvre est l’angle choisi – difficile à trouver – pour susciter ces émotions : le message ou les messages à délivrer, le contexte précis, la trame, les personnages, les mots ciselés, la mise en espace, la juste sincérité, le rythme, les lumières, les sons… et de manière générale : les choix de “packaging” – pour utiliser une analogie avec des choses plus pragmatiques : quel va être “l’enrobage” de l’œuvre pour la mettre en valeur ? Tout cela concourt à transformer une pulsion de création en vision créative.
Dans le cadre de tes projets, où trouves-tu des idées ?
Pour les pièces de théâtre des groupes de Scène Envie, chaque participant demande son rôle. Il s’agit donc de trouver une idée où je pourrais placer les différents personnages demandés. C’est, paradoxalement, “l’incompatibilité supposée” des demandes qui entraîne le surgissement d’une idée originale… totalement folle la plupart du temps !
Pour des pièces de théâtre hors groupes, j’essaie d’aborder de manière originale un ou plusieurs sujets qui me touchent.
Mon objectif premier est de les traiter d’une façon “jamais” abordée, en s’inspirant le moins possible de choses connues. J’essaie de parler de sujets inspirés par ce que j’observe de mes contemporains, leurs “outrances” et leurs “tares” 🙂
Pour les chansons, cela dépend : si on m’a confié la musique (et un “yaourt” = “la la la” pour me donner la mélodie et la découpe syllabique), je pars de l’humeur que m’inspire la musique et j’écris le refrain en premier, puis les couplets et ponts. S’il n’y a pas de musique, j’essaie, comme pour le théâtre, d’écrire sur des sujets qui me touchent et peuvent toucher d’autres… Dans ce cas, je pars d’une “idée”, voire d’un titre “fort”, et je développe (refrain puis couplets). Assez souvent, j’ai en tête la mélodie qui irait avec le texte.
As-tu une routine créative ?
Eh bien, ça dépend de ce que l’on appelle “routine”. Étant contraint par le temps pour la plupart des pièces de Scène Envie, je dois écrire tout le temps, à des heures totalement différentes. J’ai donc “étendu” ce principe à mes autres créations, qu’elles soient dramatiques ou des textes de chanson : c’est n’importe quand !
Cela dit, j’ai toujours auprès de moi une tasse de café qui va se remplir régulièrement… malheureusement des cigarettes aussi… Et évidemment, je suis entouré d’une multitude de brouillons, post-its, plans, CV de personnages, auxquels je me réfère en permanence. L’écriture finale, pièces ou chanson, se fait sur un PC sous Word.
Quand j’écris, je ne me fixe pas d’heure de fin. J’arrête quand je me sens “vidé”… ou que l’œuvre est finie.
Quel conseil donnerais-tu à une personne qui a envie de booster sa créativité ?
Rester attentif à tout, tout le temps : les gens d’abord, les événements ensuite, les grandes préoccupations de nos contemporains enfin. Ensuite, NOTER tout : je ne sais pas si c’est un bon conseil, mais je note toutes mes idées, ou presque, sur des post-it ou feuilles A4.
J’ai des endroits spécifiques où je classe toutes les idées “en friche” écrites… Parfois (et notamment une fois couché ou hors de chez moi), j’utilise mon smartphone pour m’envoyer des mails quand des idées surgissent et que je n’ai ni papier ni stylo à disposition. J’ai également des dossiers dans mes boîtes mail où je classe ces messages fourmillant d’idées.
Enfin, je dirais – même si c’est tout le contraire d’un “boost” de créativité – : savoir “éliminer” une idée qui nous paraissait géniale : parce que l’on a pris du recul et qu’elle ne l’est pas tant que ça… ou parce qu’elle ne va pas avec le reste !
Merci à toi, Régis, pour tes réponses. J’ai pu durant 2 ans “subir” ton imagination débordante lors des ateliers de théâtre avec Scène Envie 😉 D’ailleurs, pour toute personne qui voudrait monter sur scène, incarner un rôle parfois/souvent déjanté et se faire plaisir, je vous recommande de Régis les yeux fermés.
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