L’orthographe correspond à la transcription écrite d’une langue parlée. C’est également une norme : l’ensemble des règles fixées au fil du temps. L’orthographe française est réputée difficile à maîtriser. Le mot lui-même n’est pas simple puisque, sur onze lettres, il comporte deux h muets ! Étymologiquement, l’ortho-graphe signifie l’écriture correcte. En grec, orthos voulait dire « droit, correct, juste » et graphein avait le sens d’écrire. L’orthographe a deux composantes : l’orthographe lexicale (comment les mots s’écrivent, avec quelles lettres) et l’orthographe syntaxique (comment les mots s’accordent entre eux). Le français a la caractéristique d’être ardu dans les deux domaines. Pour certainÍs, c’est ce qui lui confère tout son charme… Pour d’autres, les voix impénétrables des règles orthographiques sont synonymes de calvaire. Alors, pourquoi l’orthographe française est-elle aussi complexe ? L’explication, historique et culturelle, implique de remonter le temps.
De la simplicité initiale à une langue prestigieuse
L’orthographe simple de l’ancien français
Au départ, le français est principalement oral. Pour les actes administratifs et les rares écrits, on privilégie le latin. C’est la langue des échanges quotidiens. Au cours du Moyen Âge, les écrits voient le jour. Ils émanent principalement des troubadours et des ménestrels. Peu lettrés, ils utilisent une orthographe simple et transparente qui répond à leurs besoins. À cette époque, on écrit le français comme on le parle.
Le français, langue officielle
L’ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, fait du français la langue juridique et administrative du royaume. Avec ce nouveau statut, il doit acquérir des lettres de noblesse et devenir la langue des lettrés, des juristes, des administrateurs. Il lui faut, à l’écrit, gagner en précision et en richesse.
Deux raisons qui expliquent pourquoi l’orthographe française est aussi complexe
Premier facteur de complexité : l’étymologie
Pour faire du français une langue savante, on veut rendre visibles ses origines grecque et latine. L’objectif est de donner au français un ancrage historique. Les insertions de lettres muettes dans les mots, pour des raisons étymologiques, se multiplient. Ainsi, le mot « hier » aurait pu s’écrire « ier », mais un h initial a été ajouté en référence au latin heri. Dans le mot « doigt », le g et le t muets visent à souligner l’étymologie de digitum.
L’orthographe française connaît ainsi deux changements majeurs. D’une part, le code graphique ne correspond plus au code oral. D’autre part, l’orthographe endosse un nouveau rôle. Elle n’est plus seulement la retranscription écrite d’un langage oral. Elle devient une norme.
Deuxième facteur de complexité : un alphabet inadapté
Le problème, c’est que l’alphabet latin n’a pas assez de lettres pour rendre compte des 36 sons du français. Pour pallier cette difficulté, on enrichit alors l’orthographe d’accents et de digrammes (gn, on, eu, in, ain, ein, an, en, ph, ç, etc.) Ainsi, plusieurs manières de coder un même son apparaissent. Par exemple, le son è peut s’écrire e, è, ê, ei, ai, ey, et… De plus, certaines lettres ont des prononciations variables et correspondent à différents sons. On pense notamment au s ou au g. Le système orthographique devient un véritable casse-tête.
L’Académie française, celle qui a décidé de l’orthographe française
L’Académie fixe les normes orthographiques
Mais ce n’est pas tout. Une autre difficulté existe alors : les règles ne sont pas fixées. Chacun est libre d’orthographier les sons à sa guise. Les textes de cette époque font ainsi apparaître des orthographes différentes pour un même mot. Richelieu comprend la nécessité d’officialiser la langue, de lui donner des règles fixes. Pour mener à bien cette mission, il crée l’Académie française en 1635.
L’orthographe qui « distingue des gens de lettres d’avec les ignorants»
Dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie, en 1694, le parti-pris est sans équivoque. Il n’est pas question de retenir l’orthographe initiale de l’ancien français, une orthographe simple et transparente. Non, les académiciens font le choix d’une orthographe étymologique. L’Académie explique qu’il convient d’adopter « l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes.» On ne saurait être plus clair : l’orthographe du français a un objectif de prestige social.
Quand rien n’est simple
Des simplifications qui aboutissent à des contradictions
Au début du XVIIIe siècle, le débat se poursuit : est-ce l’étymologie ou l’usage quotidien de la langue qui doit en déterminer l’orthographe ? L’Académie finit par reconnaître, après de longues hésitations et sans grande conviction, que l’usage prime. Les Immortels tardent donc volontairement à mettre en œuvre des simplifications orthographiques. Finalement, des lettres étymologiques disparaissent, mais pas toutes. Des accents circonflexes remplacent le s, mais pas dans tous les mots d’une même famille (se côtoient ainsi des incohérences comme « hôpital » et « hospitaliser »).
Une orthographe grammaticale à perdre son latin
Sur le plan de l’orthographe grammaticale, là encore la complexité règne. Beaucoup d’accords sont insidieux, car ils ne s’entendent pas à l’oral. Les exceptions accompagnent systématiquement les règles. La maîtrise des accords des participes passés ou de certains pluriels irréguliers relève de l’art. Saviez-vous que, parmi les règles de l’accord des adjectifs de couleur, « rose » ou « pourpre » s’accordent, mais pas « marron » ou « orange » ?
L’école de Jules Ferry, cause de la complexité
Avec l’école du peuple, l’orthographe française devient un sujet de travail et d’entraînement pour les instituteurs, car la matière tient une place prépondérante au concours. Les maîtres d’école accordent le plus grand intérêt à cette discipline, préparant leurs élèves à la fameuse dictée du certificat d’études. Ils entrent en résistance contre les velléités de simplification et se font les ardents défenseurs d’une orthographe complexe et élitiste.
Échec des tentatives de simplification de l’orthographe
1835 : l’orthographe moderne
L’Académie fait preuve d’une telle frilosité qu’elle réussit, en 1835, un numéro d’équilibriste. Elle propose des simplifications. Mais, en parallèle, elle réintroduit des lettres grecques et instaure des nouvelles règles grammaticales !
1900 : la tentative ratée de simplification
L’arrêté relatif à la simplification de la syntaxe de 1900 veut introduire des « tolérances orthographiques », autrement dit, accepter des écritures qui ne relèvent pas de la norme. Cette tentative rencontre une forte opposition dans les milieux enseignant et culturel. Elle se solde par un échec.
La réforme de 1990, pas vraiment entrée dans les mœurs
Les rectifications orthographiques de 1990 ont apporté des simplifications ciblées, notamment sur les traits d’union, les pluriels des noms composés, les accents circonflexes. Cette réforme a aussi supprimé certaines incohérences. Mais pas toutes ! De plus, présentée comme facultative, elle n’a été ni enseignée dans les écoles ni appliquée par les éditeurs. Il en résulte un cumul de deux orthographes pour certains mots. Les graphies anciennes ont été conservées alors que de nouvelles ont fait leur apparition. L’orthographe lexicale est progressivement devenue une espèce de millefeuille.
Survivre dans le monde hostile de l’orthographe française
Quelle serait la panacée ? Une simplification drastique de l’orthographe française répondent certains. Certes… Sauf que ce n’est pas à l’ordre du jour… En attendant, comment déjouer les pièges de l’orthographe ?
Avoir recours à un correcteur
Par correcteur, on entend deux choses.
D’abord, le correcteur orthographique en ligne. Il est capable d’identifier la plupart des erreurs. Le web n’en manque pas. Il suffit d’y copier-coller son texte. Le correcteur procède à l’analyse, signale les fautes et en propose une correction. Le bémol : il n’a pas les capacités d’un expert en orthographe et risque ne pas maîtriser certaines règles particulièrement subtiles…
Le correcteur, c’est aussi un humain : un professionnel de l’orthographe française. Maîtrisant parfaitement les règles orthographiques, il se charge d’une relecture et d’une correction des écrits.
Améliorer son orthographe
Faire des fautes n’est pas une fatalité. Il est tout à fait possible de progresser et de s’améliorer en orthographe. La solution consiste à se former. Certains bachoteront avec des livres d’orthographe ou une appli tandis que d’autres préfèreront suivre une formation.
Pour attester d’un niveau ou se motiver avec un objectif, il est possible de préparer la certification Voltaire.
Des raisons historiques, idéologiques et culturelles expliquent pourquoi l’orthographe française est aussi complexe. Dans notre société, l’orthographe fonctionne comme marqueur d’érudition. Mais surtout, depuis quelques années, elle est devenue un enjeu majeur dans le monde du travail. Un sondage Ipsos d’octobre 2021 indique que, pour 75 % des entreprises françaises, l’orthographe constitue une problématique de premier plan, en termes d’image, de recrutement et de crédibilité.
L’écrit n’a jamais été aussi présent qu’aujourd’hui. Au travail ou dans la vie quotidienne, les emails, les blogs, les SMS, les posts sur les réseaux sociaux obligent chacun d’entre nous à une vigilance orthographique.
Céline Reynier-Tissot – rédactrice invitée
Avant de vous laisser, je partage avec vous la mini-formation gratuite que j’ai créée. Durant 5 jours, vous recevez un mail pour préparer le Certificat Voltaire.